Juan Pablo Carreño
La vie est un songe
Création contemporaine sur instruments d'époque
À propos
La fabrique de l’oeuvre
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Il y a une ancienne question qui ne cesse de hanter l’art et la philosophie : si tout ce que nous vivons dans le rêve nous semble si réel tant qu’il dure, comment ne pas douter de la nature réelle de la veille ? Notre quotidien, notre identité même ne pourraient-ils pas être une autre forme de rêve ? Et la mort ne constitue-t-elle pas un changement d’état de conscience semblable au réveil ou à l’endormissement ? Ces questions se posent naturellement. La vie et le sommeil — tout comme la mort et le sommeil — est une métaphore naturelle, une comparaison presque inévitable. C’est montré par Shakespeare (« Toute notre vie est recouverte de sommeil », dit Prospéro), Descartes (« Mon étonnement est tel qu’il est presque capable de me persuader que je dors ») et, parmi beaucoup d’autres, Jorge Luis Borges :
Sentir que la veillée est un autre rêve
Qui rêve de ne pas rêver et que la mort
Qui a notre chair est cette mort
De chaque nuit qu’on appelle rêve.
La vie est un songe de Calderón de la Barca est une oeuvre qui associe cette question métaphysique autour de la veille et des rêves au débat sur l’existence du libre arbitre. C’est une histoire simple, mais pleine d’allégories et de résonances philosophiques : un roi enferme son fils, le prince héritier, dans une tour à l’écart dans la forêt, car il craint la réalisation d’une prophétie et que son fils devienne un roi cruel. Le prince grandit, isolé et malheureux, jusqu’au jour où le roi décide de vérifier si la prophétie est certaine et ordonne d’endormir son fils et de l’emmener au palais. Le prince se réveille soudain devenu l’héritier du royaume, mais ne peut se débarrasser d’un sentiment d’irréalité : le soupçon que sa propre vie — comme peut-être toutes les vies — n’est que la manifestation d’un rêve.
L’opéra La vie est un songe suit la courbe narrative de la pièce originale de Calderón de la Barca, met en valeur ses plus intenses trésors verbaux et ne renonce pas à l’unité structurelle et à l’optimisme du théâtre baroque espagnol. Mais le langage opératique permet d’accentuer les contrastes et d’augmenter le dynamisme de l’oeuvre. Le texte et le discours musical, à la fois baroque et contemporain, renforcent l’atmosphère onirique et conduisent l’idée essentielle de la pièce de Calderón à ses conséquences ultimes : le spectateur peut-il être sûr que l’opéra n’est pas vraiment la manifestation d’un songe ? Pouvons-nous être sûrs en quittant le théâtre — en laissant derrière nous les instruments d’époque, la trame poétique, les personnages baroques — qu’au lieu de nous réveiller nous ne serons pas tombés dans un rêve encore plus profond ?
Valentin Tournet, direction
La Chapelle Harmonique
Presse
23 septembre 2018
The Sunday Times
Hugh Canning
Album of the week
Par-delà l’observation, l’oiseau qui s’élève dans les airs et dont le chant semble si naturel invite à l’évasion, à la rêverie. Que raconte le chant du rossignol ? Parle-t-il d’amour ? Parle-t-il de la nuit comme le suggère son nom anglais ou allemand (nightingale, Nachtigall) ? Le poète disait que les songes sont ailés… Et pour l’auteur du Concert de différents oiseaux, ces derniers « font dormir les peines » et possèdent « des voix plus divines qu’humains ».